mercredi 11 juin 2014

Spécial Coupe du Monde au Brésil. Construçao / Chico Buarque





Socrates, s'il te plait. Reviens.


Bon alors, à moins de vivre au fond du Larzac ou en Corée du Nord, vous savez certainement que demain, c'est le coup d'envoi de la Copa del Moundial da Brazil.

L'occasion pour moi de vous parler du plus grand joueur Brésilien, juste après Garrincha mais quand même devant Pelé parce que faut pas déconner.

Socrates Brasileiro Sampaio de Souza Vieira de Oliveira (j'imagine même pas le cauchemar des professeurs Brésiliens quand ils font l'appel au début de la classe...) ou, pour que ça rentre plus facilement sur un maillot, Socrates.
(et tout de suite, bam, ça claque. S'appeler comme un philosophe grec, ça impose tout de suite le respect.)


Epoque bénie où le bandeau dans les cheveux était le symbole d'une certaine élégance...

Un joueur qui n'a rien gagné avec la Seleçao et qui a pourtant été le meneur de jeu de la plus belle équipe Brésilienne qu'on ai jamais vue, celle de 1982, qui se fera sottement éliminer en quart de finale par l'Italie alors qu'il ne leur suffisait (règlement zarbi de l'époque) que d'un match nul pour se qualifier.
Sauf que ces artistes, plutôt que de jouer la montre et d'essayer de tenir le score alors qu'il y a 2-2, continuent d'attaquer de façon flamboyante pendant que ces gredins fins tacticiens d'Italiens développent le jeu qui fera leur gloire, le catenaccio qui, comme son nom l'indique, consiste à défendre courageusement à 10 (avec Dino Zoff dans les buts quand même, au cas où) et à attaquer en contre. Paf, 3ème but de Paolo Rossi et adieu attaques flamboyantes et jeu total, le mur de Berlin sera le football moderne.



Non mais regardez-moi cette merveille...



Pour rajouter une cerise sur le pompon, en 1986, toujours en quarts de finale, ils tomberont sur la France à Platoche qui a aussi vécu une coupe du monde 1982 à donner envie de se mettre à la pétanque boxe.
Match de légende. Emotions, jeu fantastique, tirs au buts.
Socrates rate le sien.

Alors là, vous vous dites, ok, le Moyen, il craque, il nous fait l'éloge d'un loser.

Que nenni, fidèles incultes que j'éclaire de ma lanterne musicale, j'admire un héros.

Laissons la coupe du monde à sa FIFA et à ses vuvuzelas et retournons en 1981.

Le Brésil est en pleine dictature.
Tout le Pays vit sous la coupe d'un régime charmant, une bonne vieille dictature militaire qui, malgré le bruit des bottes qui peut déranger tôt le matin, offre au moins l'avantage de pouvoir sortir de chez soi sans avoir à fermer sa porte à clé, ma bonne dame.

Tout le Pays?

Pas tout à fait, puisqu'une bande d'irréductibles farceurs, les joueurs du SC Corinthians menés par leur capitaine Socrates, décide de résister.
Et ils ne sont pas du genre à ahaner des bribes de discours de miss France à base de "La guerre, c'est mal" puisque ces joyeux lurons mettent en place un système entièrement Démocratique dans le fonctionnement du club et des entraînements.
Ils créent donc la Démocratie Corinthienne.
Rien que ça.

Un idéal Social(iste) où toutes les décisions sont prises collectivement par les joueurs et soumises au vote, y compris le recrutement des joueurs et des entraîneurs.
Bon, il est évident que ce système connait quelques débordements complètement absurdes puisqu'au bout d'un moment, même les pauses pipi lors des déplacements en autocar seront votées à main levée.

Parallèlement à ça, ils multiplient les coups d'éclats et affichant ostensiblement le mot "Démocratie" sur leurs maillots et participent à des manifestations contre le régime et se permettent même de développer un jeu spectaculaire et ultra offensif et de gagner le championnat.
Deux fois de suite.
Un jour de finale de championnat, devant 40.000 personnes, ils entrent sur le terrain avec une banderole sur laquelle on peut lire "Vaincre ou perdre, mais toujours avec la démocratie."

Incroyable de penser que la résistance intellectuelle face à une dictature est venue de gugusses en shorts et crampons qui courent après une balle (et là, subitement, j'ai bien envie de voir Ribery faire un débat politique en claquettes. Comme ça, pour voir.) menés par un grand échalas barbu, un intellectuel au vrai sens du terme, universitaire, révolutionnaire, doté d'une vision du jeu fantastique et d'une foi en son pays et en ses convictions inébranlables.
Le Che en Short.

La démocratie arrive finalement au pouvoir en 1985 au Brésil et les Corinthians décident de mettre fin à l'aventure.

Une aventure unique dans l'histoire d'un Pays.
Et dans l'histoire du Sport.

En 2011, Socrates, l'érudit, le médecin (un doctorat de médecine quand même, le footeux.) au nom de philosophe grec et à la technique de danseur de ballet russe, grand frère de Raï, la légende du PSG (ne riez pas, il vaudra pour toujours tous les Zlatan du monde.) meurt d'avoir trop aimé le vin et la vie libre.

Et aujourd'hui, alors que les dictatures n'ont plus de rangers et de chemises kakis, les Brésiliens sont une nouvelle fois aux portes de la révolte.

Pendant que la FIFA vend à des tarifs prohibitifs les droits télé de leur coupe du monde qu'ils ne pourront même pas voir et s'enrichit à rendre jaloux un émir pétrolier en se sucrant sur les chantiers de stades hors de prix qui ne seront pas prêt et ne serviront que 3 semaines et qui tuent les ouvriers qui les construisent, le peuple voit les tarifs des transports en commun exploser et son pouvoir d'achat fondre comme une glace sur la plage de copacabana.
Et on leur demande de faire un effort, parce que c'est du foot et que le foot mérite bien tous ces sacrifices.








Socrates, tu manques un peu, là. 
S'il te plait. Reviens.



























Et comme je ne peux vous laisser sur ces notes amères et parce que j'aime quand même le foot et certains de ses plus beaux représentants, en casse-dédie pour le philosophe grec da Brazil.
(et accessoirement, le plus beau match de tous les temps.)





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