dimanche 1 avril 2012

Unforgettable Fire / U2



Je suis fasciné par la capacité d'amnésie de ceux que l'on dit grands dans notre monde.

Il y a tout juste 2 ans (à 20 jours près.) La plate-forme de forage profond Deepwater Horizon du groupe pétrolier BP pétait salement et coulait comme un plomb pourri au fond du Golfe du Mexique (par 1500 mètres de profondeur), tuant 11 ouvriers et  laissant s'écouler 780 millions de litres de pétrole (oui, c'est un vrai chiffre, c'est pas une blague. C'est l'équivalent de 5 millions de Barils.) avant de voir sa fuite colmatée le 20 septembre. 5 mois plus tard.



A l'époque, les solutions envisagées sur ce chantier hors-norme étaient de creuser un puits secondaire pour rejoindre le puits principal et baisser la pression interne, envoyer des robots sous-marins pour boucher la valve avec un sarcophage de béton armé ou prier Poséïdon pour sa clémence.

James Cameron (mon héros), dont les connaissances en l'ingénierie maritime ne sont plus à prouver ainsi que Kevin Costner, qui a investit une partie de sa fortune dans la fabrication d'un dispositif de filtrage de l'eau et du pétrole furent consultés et apportèrent leur aide.

Il est amusant de savoir que Deepwater Horizon avait fait l'objet de sérieux doutes quand à sa sécurité et que de nombreux rapports encourageaient des modifications conséquentes de sa structure et de son fonctionnement pour la rendre plus sûre en cas d'accident et éviter au maximum les risques de mort du personnel et de pollution à une échelle (quasi)planétaire.

Mais bon, faut croire qu'investir dans de l'ingénierie de pointe coûte plus cher que balancer 780 millions de litres de pétrole à la flotte et se permettre de laisser fuir un puits pendant 5 mois non-stop.
C'est pas comme si on nous rabâchait sans cesse des cas de pénuries épouvantables dans les années à venir et de voir l'essence prendre le prix du lingot d'or.
C'est pas moi qui le dit, ce sont les experts de chez BP qui le pensent.

L'opération a coûté l'équivalent du PNB de plusieurs états africains, le Golfe du Mexique fut transformé en gigantesque mare de merde cancérigène, détruisant des écosystème entiers et c'est unis que les grands (donc) de ce monde, industriels pétroliers, ingénieurs et politiques, promirent:

"Nous ferons vachement plus gaffe la prochaine fois, juré.
Nous rendrons nos plates-formes plus sûres, parce que nous aussi, nous aimons la nature."

Pas de bol, le week-end dernier, c'est au tour d'Elgin, une plate-forme de forage gazier de chez Total, une autre incarnation pyramidale du mal, de partir en vrille dans les eaux de la Mer du Nord cette fois-ci et de lâcher du méthane pur à tout va et à tous vents.



Il est amusant de savoir que Elgin avait fait l'objet de sérieux doutes quand à sa sécurité blablablabla et éviter au maximum les risques de mort du personnel et de pollution à une échelle (quasi)continentale.

Et quelles sont les solutions proposées?

Ben forer un puits secondaire blablabla pression du puits principal.
Durée du chantier?
5 mois.

Normal.

"Raisonnable" selon Total.

Donc Total qui, je le rappelle, ne payait jusqu'à présent que très peu d'impôts puisque la majeur partie de son chiffre se fait hors de nos frontières (dont des pays en guerre, allez savoir pourquoi) peut se permettre de laisser fuir une conduite de gaz pendant 5 mois sans que cela n'affecte son économie si ce n'est de manière "raisonnable" et continuera à nous chialer dans les jupes pour justifier la hausse des prix à la pompe.

Ne vous méprenez pas, je suis un grand admirateur des ingénieurs qui travaillent sur ce genre de chantiers.

Car comme des astronautes, ils sont des explorateurs qui chaque jour repoussent les limites de la mécanique et de la physique pour chercher des matières premières dans des endroits toujours plus profonds et toujours plus difficiles d'accès.

Les gars qui ont bossé sur le chantier Deepwater méritent un réel hommage car chaque jour était un nouveau défi et chaque jour, ils devaient apporter des solutions à des problèmes qu'ils ne connaissaient même pas.

Je suis admiratif quand je vois la crème de l'ingénierie se réunir pour affronter un problème de front, pour apporter des solutions positives, proposer des innovations technologiques propres à élever l'humanité et faciliter le quotidien des populations.

Je respecte intensément ces ouvriers qui travaillent dans des conditions souvent difficiles sur des dispositifs prototypes afin que leurs patrons aient du kérozène à mettre dans leurs hélicos le matin avant d'aller rejoindre le conseil d'administration.

J'aimerais simplement que parfois leurs patrons arrêtent d'oublier leurs propres erreurs et se disent qu'investir avant que tout ne leur saute au visage, c'est pas beaucoup plus idiot que de laisser se répandre une crotte létale pendant 5 mois.

Habitants d'Aberdeen, cité blanche de la côte Ecossaise, ville des rois et des ouvriers du pétrole à 200km de la plate-forme Elgin, je pense à vous.
J'ai visité Aberdeen lors de mon voyage dans les hautes terres l'année dernière et j'ai aimé les murs blancs de vos bâtiments sans âge, les bateaux et les pubs, les remorqueurs géants et les châteaux.

Il serait triste de voir tout ceci disparaître sous un nuage de gaz ou une explosion cataclysmique.
(souvenirs de mon "into the wild" à moi...)
















































































Mais tout n'est pas noir vous savez.

Aujourd'hui, les Birmans n'ont pas oublié de voter pour Aung San Suu Kyi.

1 commentaire:

Mement0o a dit…

Ça fait flipper tout ça :S A force d'oublier ce genre de chose, je me demande dans quel état on va retrouver la Terre dans 20 ans...