"Ce n'est pas parce que les choses sont difficiles que nous n'osons pas, c'est parce que nous n'osons pas qu'elles sont difficiles."
Sénèque (ta mère)
Dis donc, gros, cette pensée de youtubeur, elle t'est apparue en épiphanie la veille de faire le El Capitan sans corde et à mains nues ou avant de reprendre une troisième fois des nuggets de poulet à la sauce (très) piquante ?
Non parce que d'accord, c'est bien beau de prendre des airs pénétrés et de balancer des phrases, comme ça, les yeux plissés à regarder au loin pour faire le malin, mais bon c'est pas forcément parce qu'on se décide comme ça un matin (sans même un petite gueule de bois pour excuser une décision qui sera forcément regrettée dans quelques heures) à faire un truc (genre escalader les 900 mètres de granit lisse du El Capitan sans assurance ni foi en l'avenir) que ça devient soudainement facile et à l'inverse, ce n'est pas parce que l'audace nous pousse à reprendre une troisième fois de la nourriture hasardeuse et épicée qu'on a fait un bond gigantesque dans le grand steeple-chase de la vie.
Je le vois bien, Sénèque, avec sa toge et ses tongs, au pied d'un miroir de pierre à se gratter la tête en regardant au loin (les yeux plissés) et à décider qu'après tout la notion de difficulté n'était que dans la tête, bande de zouaves. Et je vous laisse avec ça, analphabètes. Je retourne penser autour d'un bon buffet à volonté.
Je le vois bien le penseur, toge relevée sur ses sanitaires de marbre à se dire que ce 37ème nugget de pouletolis à la sauce pimentoros était bien audacieux et que certes cette pétarade intestinale était fâcheuse, mais qu'il avait vaillamment appliqué son épiphanie reçue ce sobre matin en regardant le El Capitan (les yeux plissés).
Et je vous vois venir. "Halala Moyen, tu es vraiment de mauvaise foi; toujours à chercher le bon mot, toi aussi. Sénèque se voulait inspirant, c'est une allégorie du courage et en plus, il n'avait pas randonné la paroi du El Capitan, et encore moins en free solo et ne pouvait, du coup, relativiser la dangerosité (principalement intestinale) des nuggets de poulet à la sauce piquante."
Et je vous répondrai que déjà, oui, je suis de mauvaise foi, évidemment et ensuite, moi aussi je peux plisser les yeux et balancer des phrases inspirantes, comme ça, au pif genre "Ce n'est pas parce que Dieu n'existe pas que le monde va mal, c'est non seulement parce qu'il existe pas, mais qu'en plus, parce qu'il est cruel" et vous me répondrez alors que déjà oui, c'est évident, et ensuite que quand même, tout est question de point de vue.
Et c'est justement, je trouve, ce dont manquent ces phrases de postérité, sentences motivantes et sensées élever les imparfaits que nous sommes. De point de vue.
Malgré tout le respect possible pour l'homme gigantesque, l'admiration, les louanges, ben je me dis quand même que Nelson Mandela, il devait être fatigué, non, quand il a dit "je ne perds jamais. Soit je gagne, soit j'apprends." ?
Ben vous êtes gentil monsieur Madiba, mais le pauvre gugusse qui mangeait un 6-1, 6-2, 6-0 en 34 minutes à Roland-Garros contre Nadal, ben il a sans doute surtout appris qu'il est un gros guignol et devrait peut-être envisager une reconversion dans le curling ou le lancer de javelot. On a vu mieux comme mantra positiviste.
Effectivement, le mot peut être puissant et les phrases jolies et ce verbe, qui a libéré des peuples et protégé des faibles, peut nous animer, insuffler une force ou une philosophie.
Mais l'acte, le grand saut ou la simple poignée de main ont autant d'importance. Car transformer son quotidien se fait en écrivant sur des murs mais aussi en essayant de vivre sans tomber, mais surtout sans chercher à faire tomber les autres.
Tiens et vous me convoquerez aussi le gugusse qui a dit ""femme qui rit, à moitié dans ton lit", j'ai deux mots à lui dire...
(Note du Moyen Auteur : Ne vous y trompez pas. Loin de moi l'idée ici de jouer les philosophes ou de dénigrer les grands hommes. Au contraire. Les personnes citées précédemment sont bien plus brillantes que moi. Evidemment. Je ne suis pas très intelligent, je le sais. Mais je me bats un peu. Et je suis curieux. Et puis après tout, à jouer les diseurs de citation, je pourrais vous dire que dans la lutte contre la morosité, tous les Moyen(s) sont bons. Surtout un...)