lundi 11 octobre 2010

Someday / Alice Russell



Je me suis levé ce matin.

Je savais que ce jour allait être spécial.

Je me suis brossé les dents, comme tous les jours.
Mais le dentifrice avait un goût différent.

Je me suis douché, comme tous les jours.
Mais le calcaire de l'eau ne me lacérait pas la peau comme avant.

Et j'ai noué mes chaussures et chaussé mes lunettes.

Et je suis parti.

Je ne bravais pas de tempête, mais je sentais que l'air était différent.

Aujourd'hui, quelque chose devait se passer.

Quelque chose de bien, forcément.

Il est évident qu'à ce moment là de ma réflexion, je pensais que mon karma voilé était en train de tourner.

Harassé de mes luttes passées, je me voyais enfin reposé, fier du devoir accompli, allongé, victorieux sur un champ de bataille rouge du sang de mes ennemis.

(oui, rien que ça.)

Fier devant la glace en me brossant les dents, donc, mais fier au passage piéton, fier dans un wagon, fier debout, fier pour tout.

Fier et confiant.

Confiant jusque 08h53.

Perdu dans ma fierté et dans l'attente fébrile du tournant merveilleux que ma roue du karma voilée allait prendre pour m'emmener en trombe vers les rivages paisibles où se prélassent les magiciens de la vie et les jolies filles, je n'avais porté nulle attention à ce spectre déambulant avec plus qu'approximation dans ma direction.

J'entendais un léger hoquet.

je tournais la tête, sourire aux lèvres, prêt à lancer une phrase magique qui fera encore écho dans les livres d'histoires des siècles après ma mort (genre, "ça va?" ou "excusez mon audace, mademoiselle, mais me permettez-vous de poser ma rude main, rêche comme le gant, sur votre front délicat dépourvu de rides afin de m'enquérir de votre température? Avoir de la fièvre n'est guère commode lorsque l'on se lève de si bonne heure..."

Mais avant même que mon sourire ne puisse devenir une grimace de dégoût, le hoquet que je prenais pour un appel tendre vers un efferalgant de soulagement se mua en gargouillis indescriptible, à mi-chemin entre le cris de dinosaure (mais un petit dinosaure.) et le borborygme nauséeux.

Et la tendre créature enfiévrée fit place à une créature poilue, homme préhistorique à l'odeur antédiluvienne.

Et sur mes pieds...

Et sur mes pieds...

(pardonnez mon hésitation, lecteur, mais à ce moment du récit, il me faut reprendre courage et m'armer de mes deux mains pour oser coucher sur papier l'expérience effroyable dont je fus victime.)

Sur mes pieds, le magma inidentifiable d'un petit-déjeuner composé à coup sûr de pastis (mais dans les 16 litres) et d'un croissant (ou d'un cassoulet, j'avoue ne pas avoir bien observé) , relent putride et corrosif.

Ce matin, 8h53, je me suis fais vomir dessus.

(enfin, surtout sur les pieds.)

Je crois que je gagne le concours de la meilleure semaine de l'année.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Ah ouais, quand même...
Tu gagnes haut la main le concours !!!

PS : c'était sutout sur quelle chaussure ? Ca peut peut-être te porter bonheur, nan ? :)

Miss-E