Durant ma scolarité, je me suis retrouvé dans un système d'éducation qui nous a toujours incité à poursuivre nos études plutôt qu'à opter pour une formation manuelle, jugée moins glorieuse.
Ben je trouve que c'est une splendide erreur.
Parce qu'à privilégier les études supérieures et l'université au détriment de cursus plus courts, on donne implicitement un jugement de valeur à tout un style de vie.
On dénigre officiellement une classe sociale.
Alors non seulement les apprentis, manutentionnaires en tous genres, ouvriers du bâtiment et autres travailleurs à la chaîne doivent déjà vivre avec la pénibilité naturelle de leur profession, mais en plus, ils vivent avec la dévalorisation totale de leur condition, induite par un système éducatif qui les renvoie au rang de voie de second choix.
Et cette injustice se retrouve à toutes les strates de la société puisque pendant que les responsables de la crise des subprimes et de la récession mondiale continuent de spéculer sur des cours fluctuants à l'heure du goûter en discutant de millions avec le voisin, il me semble que ce sont les ouvriers qui se retrouvent expulsés de chez eux à cause d'un crédit contracté à des taux évolutifs astronomiques qu'il ne peuvent plus rembourser..
Ce sont eux qui se retrouvent sans usine chez Daewoo dans le nord, chez Vico parce que le patron de la boîte a décidé de déplacer toute l'usine en Italie pendant la fermeture annuelle, chez Renaud Vilvoorde, chez Continental et chez des centaines d'autres...
Je ne veux pas rentrer dans l'indignation facile et la conscience politique de comptoir, alors je me contenterai de vous parler d'un reportage photographique publié à l'époque dans "Le Monde 2" l'hebdomadaire du Monde et qui m'avait brisé le coeur.
Anthony Suau, prix pulitzer pour son travail de photo-reportage en Ethiopie, a suivi le quotidien des expulsions à Cleveland pendant la crise des subprimes.
Agents de police qui viennent faire signer des avis d'expulsion arme au poing par peur de se faire accueillir à l'arme à feu par des gens désespérés, familles qui se réfugient dans des centres d'hébergement et d'aide d'urgence.
Pendant la crise, des chiffres insensés tombaient chaque jour sur la situation économique du pays.
On parlait de 1.000 milliards de dollars nécessaires pour relever le pays.
Comment s'imaginer 1.000 miliards?
1.000 milliards, ce n'est pas la réalité.
La réalité, c'est devoir faire des courses hebdomadaires pour une famille pour moins de 30 dollars.
"A Cleveland, 13 % des logements sont vacants. Les expulsés ne sont pas des pauvres mais des salariés aux revenus « moyens-faibles ». Ils avaient touché le coeur du « rêve américain »« évolutif » : 5,5 % aujourd’hui, et 8,5 % dans trois ans. « D’ici là, votre situation se sera améliorée. Vous signez là, là et là. » Lorsque le taux a « évolué », le nombre de ceux qui ne pouvaient pas payer a explosé. Les banques les ont mis à l’amende. Le cycle était enclenché. Un détail, au passage : la proportion de femmes seules avec enfants, de Noirs et d’Hispaniques parmi les victimes des saisies est trois à six fois supérieure à celle des autres.
Je suis allé à l'université, j'ai fait des études qui m'ont plu.
Mais aujourd'hui, je crois que je rêve de savoir souder.
2 commentaires:
Très bel article et 100% d'accord avec toi.
J'avais vu ce reportage photo qui m'avait aussi profondément émue.
Miss-E
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