lundi 12 mars 2012

Interlude Spécial: Hommage à Jean Giraud aka Moebius. (Imagination / Chet Baker)





Comme vous devez le savoir, deux personnalités importantes de la Bande Dessinée française ont disparu ce week-end.

Jean Giraud et Moebius.

Jean Giraud, c'était surtout la Bande Dessinée Blueberry.

Mon père, grâce à des amis de très bon goût, possède l'intégrale de la période Charlier & Giraud des aventures du Lieutenant Mike S. Donovan, dit Blueberry et je dois avouer, que j'ai en partie été élevé par ce sudiste passé dans l'armée nordiste pour échapper à la mort violente qui l'attendait, accusé à tort d'un crime qu'il n'avait pas commis.

Des dessins extraordinaires de paysages fantastiques, des aventures exotiques et fabuleuses et surtout un héros charismatique, qui vieillit au fil des années (et des parutions d'albums.)

Un héros mais pas trop, bagarreur, classe, sexy et méchamment doué du flingue qui m'a transporté au-delà des frontières de l'ouest sauvage.

L'apogée de cette collaboration entre deux grands sera pour moi atteinte avec le diptyque "Le Mine de l'Allemand Perdu" et "Le spectre aux Balles d'Or" où tous les thèmes chers à Moebius apparaissent d'un coup sous le pinceau de Giraud. Deux album à la frontière du mystique, où des légendes indiennes reprennent vie pour hanter les imprudents qui oseraient violer la sérénité des Mesas, ces cité sacrées pour les indiens où reposaient les morts et vivaient les mystères.

Je crois d'ailleurs fermement que la façon dont Giraud et Charlier (incroyable scénariste) traitaient de la condition indienne aie fermement participé à construire ma propre sensibilté et ma gestion de la tolérance.
Une curiosité pour la différence et le respect des cultures qui nous sont étrangères (je sais, ça peut paraître drôle, voir idiot d'imaginer une BD d'aventure pleine de chevauchées fantastiques et de paysages majestueux et de fusillades d'une violence inouïe m'apprendre les bases de la tolérance, mais quand on est jeune et un peu rêveur, une BD, ça vous construit.)

Et Jean Giraud, c'était Moebius.

Je ne vais pas revenir sur ses créations, vous trouverez tout ce qu'il faut pour ça sur le net, mais entre l'Incal (avec l'autre Génie fou, Alejandro Jodorowsky) Arzak ou sa contribution à la création de LA revue culte, Metal Hurlant, Moebius ne s'est pas contenté de nous apporter des images défiant l'imaginaire.

Il a tout simplement influencé la majeure partie de la Bande Dessinée et de L'illustration de ces 40 dernières années.

Enki Bilal disait dans le Libération d'aujourd'hui qu'il avait influencé l'art contemporain actuel.

Oui, Moëbius était fascinant car il était au-delà de son art.

Il influencera les plus grands, de Hayao Miyazaki (le réalisateur des chefs-d'oeuvres Porco Rosso, Mon voisin Totoro ou encore Princesse Mononoke, son chef-d'oeuvre des chefs-d'oeuvre) ou Katsuhiro Otomo (Akira) au Japon jusqu'à Neil Adams (un run mémorable sur Batman) ou Joe Kubert (créateur de Sgt Rock) chez les dieux du Comic-Book aux USA.

En 1988, Stan Lee, la légende de chez Marvel Comics, le fait venir à Los Angeles et ensemble, écrivent un run d'anthologie sur le Surfer d'Argent (Stan Lee au scénario, Moebius au dessin.)



Ce run historique influencera les plus grands dessinateurs actuels de comic-books, de Jim Lee (actuel éditeur en chef de la maison DC Comics, l'autre géant avec Marvel, il a entre autre dessiné sur X-Men -pour Marvel, donc-, Batman: Hush, Superman: For Tomorrow ou la Justice League actuelle, pour DC.) à Mike Mignola (créateur du somptueux Hellboy, pour Dark Horse) 

Et les 3/4 des auteurs ou dessinateurs européens actuels savent qu'ils ont une dette à payer à Moëbius.

Mais Moëbius était un créateur d'univers, et la bande dessinée, quelque soit la taille de la case, était un médium trop petit pour son génie.

Ridley Scott et James Cameron (d'autres génies créateurs d'univers. Comme quoi, les grands se rassemblent toujours pour nous observer de là-haut) font donc appel à lui pour les dessins préparatoires de Alien (Ridley Scott) et The Abyss (Cameron) des projets d'une audace et d'une exigence visuelle extrêmes.

Il participera également à Tron, film Disney révolutionnaire pour l'époque, utilisant les premières images de synthèse et dont il réalisera tout le story-board, Le Cinquième Elément de Luc Besson (L'éditeur de Moëbius, Les Humanoïdes Associés, attaquera d'ailleurs Besson pour plagiat de l'Incal, procès qu'il perdra.) et il influencera tous le cinéma de science-fiction, de Blade Runner à Matrix.

J'avais une admiration sans limite pour ce créateur qui a repoussé toutes les limites, y compris celles de sa propre imagination.

Il a donné à rêver à des générations entières de lecteurs et spectateurs avant de s'éteindre et de rejoindre (certainement) les univers qu'il avait créé et qui seront assez vastes pour qu'il les contemple pour l'éternité.

Samedi, en apprenant sa mort, je me suis soudainement senti orphelin.
Comme si j'avais perdu un parent, un maître qui m'a accompagné de mon enfance jusque maintenant en m'autorisant à rêver, à imaginer et surtout à aimer ça.

La force extraordinaire de Jean Giraud / Moebius a été de réussir à clairement diviser sa personnalité en deux bien distinctes et de laisser s'exprimer chacune, sans que l'une n'interfère sur l'autre. 

Un parfait cas de Schizophrénie sociopathe, direz-vous. Une incroyable habileté de génie pur, vous répondrai-je.

Giraud et Moëbius m'ont appris que l'imagination est l'outil le plus puissant que vous pouvez avoir à votre portée (avec le décapsuleur, évidemment)

Car elle ne connait aucune limite.























Parmi la tonne d'illustrations qu'il a faites, je ne voulais pas faire de choix pour monter une galerie photo en ces pages, vous trouverez tout ce qu'il faut sur la toile pour ça.

Alors je le laisse une dernière fois nous dire au revoir, à travers deux de ses dessins que j'aime le plus et que je ne me lasserai pas de contempler, pour essayer d'en arracher tous les secrets.





D'un trait de crayon, un homme nous a transporté pour les plus fantastiques voyages.
C'est jaloux que je l'ai admiré.
C'est triste que je le regretterai.

1 commentaire:

Mement0o a dit…

Bel hommage à un grand homme de la BD et du dessin dans toute sa splendeur. C'est mon père qui m'a fait découvrir Blueberry tout d'abord, dont il possédait également l'intégrale, puis l'univers de la bande-dessinée plus largement. Alors Merci Moebius pour m'avoir fait découvrir ce merveilleux monde et pour m'avoir fait rêver durant de longues années...