samedi 23 avril 2011

Mr Cab Driver / Lenny Kravitz




Pour un garçon avide d'aventure et de sensations fortes, il est un terrain de jeu magnifique:

Les Taxis parisiens.

Ah ça, quand on aime l'adrénaline et le frisson délicieux qui parcours votre échine lorsque vous sentez que votre vie risque un poil de vous échapper, je ne peux que recommander de prendre un taxi de nuit à Paris.

Déjà parce que Paris, la nuit, c'est joli, le long des quais ou au milieu du Louvre.

Ensuite parce que question surprises, on est servis.

C'est la garantie de vivre des rencontres improbables et des moments de grâce le temps de rentrer chez soi.

Pour moi, la dernière expérience remonte à samedi dernier, où, vers 2h du matin, rentrant chez moi d'un mix épico-paranormal, je suis tombé sur un psychopathe vénère et contrarié par le prix du gaz.

Je vous explique:

Comme je suis quelqu'un de plutôt gentil qui essaye de légèrement se socialiser quand il en a l'occasion, j'ai le défaut handicapant de parfois engager la conversation alors que l'ignorance et le silence pourraient me sauver la vie.

Donc:

-Moi "Et vous travaillez jusque quelle heure?"

-Taxichopathe "6 heures du matin, mais il faut bien si on veut vivre, hein? vous n'êtes pas d'accord? Si on veux vivre avec tout qui augmente, il faut bien, parce que tout est cher, là, c'est pas possible, vous n'êtes pas d'accord, hein? Jusque 6 heures!"

-Moi (nullement inquiété ni méfiant après la réponse très précise et calme de mon chauffeur) "Et le taxi est à vous?"

Et là, j'ai mis le doigt dans un engrenage infernal, une machinerie diabolique, un moulin des supplices, une décharge véhémente contre le quotidien difficile des chauffeurs de taxi parisiens. Quel naïf je fais...

-Taxichopathe "Non mais ça va pas? vous savez combien ça coûte? La licence, c'est déjà 200.000 euros, hein, vous êtes d'accord? alors avec la voiture ça fait 250.000 euros. Et je fais comment, je ne peux pas payer ça, hein, vous êtes d'accord? mais je vais vous dire, hein, vous êtes d'accord, de toute façon on vit dans une dictature déguisée, regardez le prix du gaz. Il prend encore 5% vous êtes d'accord, hein? et je fais comment, le prix du gaz il prend 5% mais les salaires, rien du tout parce que ici, hein, c'est une dictature déguisée, les gens, ils ne disent rien, vous êtes d'accord? Non mais, vous êtes d'accord, c'est vrai ce que je dis! Et puis le gaz il augmente, mais l'électricité aussi hein? et les pays arabes, ils ont bien raison de faire la révolution à cause du prix du gaz, vous êtes d'accord? Alors je vais vous dire, les élections, ça changera rien parce qu'on est dans une dictature déguisée, il faudra attendre encore 15 ou 20 ans, hein, vous êtes d'accord? Et comme on est dans une dictature déguisée, et que la licence, c'est 200.000 euros, je vais vous dire moi, il faudrait une bonne révolution, non mais c'est pas vrai? Hein? vous êtes d'accord? Alors on laisse les gens rien dire et on augmente le prix du gaz et tout ça, ça va faire des morts, je vous le dis, moi, hein? Vous êtes d'accord?"
(le tout à grand renforts de gestes qui altéraient aléatoirement la trajectoire de son véhicule pour m'expliquer la hausse du gaz et comment fonctionnait une dictature déguisée et qu'il y allait avoir des morts.)

Là, évidemment, je ne réponds rien à part un "heuuuuu" poli et surtout, je réfléchis à la vitesse de l'éclair pour savoir si je devais être d'accord avec lui (ou faire semblant) et lui montrer que je le suivais sans condition dans sa croisade Jeannedarquesque contre le prix du gaz et finir écrabouillé contre la tour GDF de la défense dans un taxi-suicide ou si je devais me permettre d'émettre une légère réserve, avec la peur de me voir considéré comme un infidèle païen et me retrouver cloué sur le capot d'un taxi écrabouillé contre la tour GDF de la défense.

Dans les deux cas, les perspectives de passer une nuit tranquille diminuent drastiquement.

Je suis descendu nonchalament en lui souhaitant bon courage.

200 mètres avant chez moi.

Dans mes voyages taxi-comiques, j'ai eu diverses expériences à vous rendre piéton:

Un chauffeur qui roulait à presque 100 km/heures sur le Boulevard Magenta en me disant que le danger, c'était les autres quand je lui faisait remarquer que j'étais pas non plus aux pièces et que dormir dans mon lit était bien plus sympathique qu'agoniser dans un lit d'hôpital.

Avec mon cousin on a eu un taxi qui s'endormait au volant. Mon guitar-héro préféré me fait remarquer que les départs lorsque le feu passe au vert sont de plus en plus tard et effectivement, dans le rétroviseur, nous voyons ses yeux bien fermés à chaque feu rouge.

Place de la République, un taxi refuse de nous prendre, mes amis et moi parce qu'il a dut attendre une seconde et 28 centièmes entre le moment où il accepte la course et le moment où l'on s'approche des portières.

Je suis tombé une fois sur un taxi d'une gentillesse absolue qui m'invitait à mettre la radio de mon choix et me proposait régulièrement un verre d'eau (faut dire que le bitume devenait liquide avec la chaleur radioactive qui frappait cette nuit de juillet, l'année dernière.)

On a payé une course 40 euros.
40 euros pour faire 2km.
Parce que c'était nouvel an.

J'aime Paris la nuit parce que c'est joli.

Et parce que c'est souvent l'aventure.

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